En ces temps de montée des populismes, il y a des leçons à tirer de la vie exemplaire, des réflexions philosophiques et des évolutions spirituelles de cette haute figure de la pensée contemporaine, et de ses engagements militants et résistants.
Présentation, par Françoise VALON
La pensée fondatrice de Simone Weil a longtemps été ignorée, d’une part à cause de son homonymie avec la ministre du même nom (sauf l’orthographe), d’autre part parce que son œuvre fut d’abord réduite à un aspect partiel de sa pensée avec la parution unique de La pesanteur et la grâce, enfin parce que Hannah Arendt fut considérée comme l’unique référence en matière de philosophie politique féminine du XXIe siècle.
Née en 1909, Simone Weil est une figure essentielle de la philosophie, qui s’engage corps et âme du côté des opprimés, quels qu’ils soient. Agrégée de philosophie après son passage à l’ENS en 1931, elle devient ouvrière chez Renault en 1934 /1935 puis s’engage dans les brigades internationales en 1936, avant de travailler comme ouvrière agricole en 1941. L’année suivante elle se rend à Londres pour rejoindre la France combattante du Général De Gaulle, qui la déçoit. Atteinte de tuberculose, désirant partager les souffrances des victimes de cette guerre, elle meurt le 24 Aout 1943.
Elle fut d’une lucidité visionnaire quand elle déclara, dès 1934 : « La période présente est celle où tout ce qui semble normalement constituer une raison de vivre s’évanouit, où l’on doit, sous peine de sombrer dans le désarroi ou l’inconscience, tout remettre en question. »
Ne vivons-nous pas, nous aussi, une période « critique » où l’exigence de cette pensée fulgurante, sans compromis, éclairerait nos inquiétudes ? Son questionnement n’est-il pas le nôtre ? J’en développerai deux aspects principaux :
-dans les Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale, elle fait sienne l’étonnement de La Boétie : Comment les hommes travaillent-ils à leur asservissement plutôt qu’à leur libération ? Elle détermine les « conditions d’un travail non servile. »
-puis dans L’Enracinement, elle oppose les besoins comme obligations aux droits formels de la loi, et comment le règne de la force ne peut être contenu que par l’exigence de vérité.
Philosophe, mais aussi militante et syndicaliste, Simone Weil n’a eu de cesse de se confronter à la réalité de la société. S’opposant à l’industrialisme qui déracine les travailleurs, elle s’est rapidement montrée très critique à l’égard du progrès technique et des rapports de domination qu’il induit. Elle a décrit le fonctionnement des usines modernes dont elle a vécu directement les effets ; elle a opéré une vive critique de la rationalisation et de la division du travail ; et elle a également dénoncé de manière visionnaire les limites des ressources naturelles, et les dégâts liés à leur exploitation. Face à l’esclavage industriel, et à notre impuissance devant la machine sociale, la bureaucratie et l’État, Simone Weil développe le concept d’enracinement, qui supposerait d’habituer dès le plus jeune âge les enfants à mépriser le rapport de forces. À la grande industrie, à la division du travail, à la subordination de l’ouvrier dans l’entreprise, l’enracinement oppose l’organisation de coopératives, de communautés autonomes, de petites unités de production reliées entre elles. La grandeur des hommes tenant à leur capacité à travailler, Simone Weil réfléchit à changer la nature même du travail. Cela signifie que chacun maîtrise le résultat de son travail, jusque dans ses gestes, grâce à des techniques qui soient pensées pour cela, en quelque sorte, des techniques « conviviales » au sens d’Illich. L’enracinement s’oppose aussi à la violence de la technique industrielle qui saccage les ressources naturelles, exploite l’énergie à outrance et produit des dégâts irréparables. Simone Weil pointe l’absurdité d’un développement illimité de la production et de la productivité.
Sur bien des points, elle anticipe donc clairement les analyses de la décroissance.
Notre conférencière, Françoise Valon, Agrégée de philosophie, est Professeur émérite au Département des sciences sociales de l’Université Jean Jaurès, après avoir enseigné la philosophie et le théâtre dans différentes villes de France, entre autres à Lectoure, au lycée des Arènes à Toulouse et à Castelnaudary.
Elle a travaillé à l’IUFM pour la formation des professeurs de philosophie, et elle a enseigné la culture générale au CREPT et à l’AEI auprès des futurs ingénieurs. Elle assure encore quelques prestations au département des sciences sociales à l’Université Jean Jaurès, et elle a animé l’atelier philo sur Platon à Lagrasse tous les étés jusqu’à un passé récent.
Françoise Valon est l’auteure (avec Geneviève Azam) de Simone Weil & l’expérience de la nécessité, Ed Le Passager clandestin, 2020
Participation aux frais :
conférences-débats :
5€ tarif non-adhérents
2€ étudiants et tarif réduit
gratuit pour les adhérents, lycéens, personnes en difficulté
Pour plus d'informations :
GREP-Comminges 05 61 90 60 16 ou rene.dervaux@wanadoo.fr